Emilie, je l’ai rencontrée sur un petit tournage, juste avant le Covid. Étant donné que c’est un tournage, on s’est juste dit bonjour, échangé quelques politesses et basta. C’est le boulot, c’est pas le moment de se poser avec du thé et des macarons.
Deux ans plus tard, en début 2022, je devais faire un projet photographique pour mon école, et je suis partie sur le documentaire. La question que je me posais, c’était: « Tiens, qu’est ce qu’ils ont fait mes amis intermittents pendant le confinement? ». C’était la première fois de ma vie que j’allais faire des portraits. J’en avais déjà fait, oui, mais en tant que photographe de plateau, donc ce qui veut dire que la personne ne sait pas que je l’enferme dans ma boite. Là, c’était une autre histoire; il fallait que je m’arme de courage pour contacter des personnes qui veuillent bien se prêter au jeu du documentaire, ET faire des portraits, alors que je n’ai jamais fait poser personne, et que j’avais, je l’avoue, un peu horreur de faire ça. Aïe.
J’ai donc pris mon courage à deux mains et contacté Emilie en janvier 2022, pour savoir si ça lui plairait. Le concept, c’était que je vienne chez elle, avec mon appareil, un objectif, et c’est tout. J’avais peur d’être intrusive, mais elle a gracieusement accepté ma demande, et je me suis rendue dans son appartement, un matin. Je me suis laissée porter, j’avais la simple question de comment elle avait vécu le confinement, point barre. On ne se connaissait pas vraiment, alors on a discuté, on a fait des photos en fonction de ce qu’elle me racontait, on a mangé, on a discuté, on a refait des photos, en exploitant la lumière naturelle et les luminaires qu’elle avait chez elle. Pour les fonds, on utilisait simplement les murs.
Pour le repas de midi, je lui avais proposer de le lui offrir, car elle me donnait gracieusement de son temps.Étant donné que j’ai beaucoup d’allergies alimentaires, pas question de restaurant; on est allée acheter deux petits steaks hachés et des pommes de terre, et elle m’a fait des frites maison, un vrai régal!
Je suis partie en fin d’après-midi, avec une nouvelle amie, et une autre impression des portraits; je donnais la place au modèle pour qu’elle fasse sa propre mise en scène, et, finalement, j’avais juste à faire mes réglages, me déplacer un peu, ou au pire donner quelques directions pour la posture du corps, mais ça s’arrêtait là.
En regardant les images sur mon ordinateur, j’ai découvert un autre monde. Ce n’était pas des portraits pimpants qu’on retrouve sur des réseaux sociaux, mais des portraits qui montraient une personne, Emilie, et dont les paroles résonnaient encore dans ma tête. À ce moment-là, j’ai commencé à contacter d’autres connaissances pour continuer mon documentaire, réitérer l’expérience, et plus je le faisais, plus j’y prenais goût; le goût de laisser la liberté à la personne photographiée de faire ce qui lui chante, de m’adapter à ce qu’il se passe, et surtout, d’écouter ce qu’elle a à me dire.
Alors attention, je ne suis pas le type de photographe qui est là pour redonner confiance à quelqu’un; il y en a qui le font, très bien pour eux, mais moi ce n’est pas ce que je veux faire. Déjà, je ne suis pas psy. Tout ce que je peux offrir, c’est de l’écoute, de l’observation, un peu de rigolade et du partage d’anecdotes.